La famille URAGO

Profitons de cette rétrospective de l’histoire de L’AVAN pour rendre un petit hommage à la mythique maison Niçoise de Cycles « URAGO » fondée dans les années trente par Dominique Urago.

Italien d’origine, ce Piémontais devait ensuite acquérir la nationalité Française et s’installer, pendant peu de temps, rue Beaumont à Nice, avant de rejoindre le 14 Boulevard de Riquier à partir de 1934. C’est à cette adresse, appelée l’Usine, que la fabrication des cadres s’effectuait.

L’aventure pouvait commencer pour la fratrie Urago pour conduire une florissante entreprise qui compta jusqu’à 80 salariés.

Le sponsoring Urago

Publicité pour la Maison URAGO dans la plaquette de l’A.V.A.N. avec le visage de François URAGO

C’est aussi une belle aventure extra sportive puisque les vélos construits dans l’usine du Boulevard de Riquier équipaient des groupes sportifs et, en particulier, le groupe Gancia-Urago qui participait à de nombreuses courses professionnelles.

Le maillot rouge et bleu roy était connu de tous les amateurs de vélo.
Le Suisse Bingelli les régionaux Guimbard, Madala, Meyzenq ont porté la célèbre tunique de l’équipe dirigée par Pierre Molinéris dit « Maigre Pierre » en raison de sa ligne élancée.

La maison Urago se payait même le luxe d’engager des « mercenaires belges » tout spécialement pour courir Paris Nice.

Les plus anciens d’entre nous se souviennent sans doute de Willy Vannitsen, à l’époque redoutable sprinter, et adversaire acharné de Rick Van Looy de façon éphémère ce belge a porté les couleurs Urago.

La Maison Gancia, installée à Asti dans le Piémont, était l’associé extra sportif. La publicité pour son apéritif ne choquait personne même dans les milieux sportifs. La loi Evin n’était pas encore votée et le vin Margnat étalait son nom sur les maillots des coureurs de l’équipe Margnat Paloma dont Federico Bahamontès et André Darrigade étaient les leaders.

Une lettre de François Dauphiné soldat à Maison-Blanche en Algérie pour Josette URAGO dans laquelle il remercie Josette de lui avoir envoyé son vélo.

Lettre de compliments adressée à Josette URAGO par José MEIFFRET, l’homme le plus rapide du monde (175,609 km) derrière Talbot 4,5l

François URAGO dans son magasin de la rue de la République

L’aventure Urago devait durer jusqu’en 1980 ou le mythique magasin de la Rue de la République fermait ses portes.

La passion du vélo et les résultats sportifs

La famille Urago devait obtenir d’excellents résultats sportifs.

François, pistard de renom, fut le premier champion de France de demi-fond en 1930. Il remporta aussi, sur route, les Grands Prix de Nice et de Cannes en 1926.

François est passé à la postérité car on trouvait son portrait, coiffé du casque de pistard, sur les douilles de direction des vélos Urago. Ces plaques d’origine sont aujourd’hui très recherchées par les collectionneurs, comme tous les vélos Urago.

Il suffit de consulter les sites internet pour en être convaincus.

La « haute couture » du vélo développée à l’extrême

Dans ces belles années du cyclisme la concurrence, à Nice en particulier, était vive chez les marchands de vélo. Cattaneo, Fayolle, Amenc, Ruozzi, Bertetto, Latil, sans atteindre la célébrité d’Urago, faisaient aussi le bonheur des cyclistes.

Chez Urago, le travail était particulièrement soigné. Les cadres fabriqués à la main faisaient l’objet d’une finition irréprochable. Le passage de tubes de selle et des haubans arrière était une œuvre d’orfèvrerie car travaillés à la main et fini à la lime pour une signature remarquée.

Les connaisseurs identifient aujourd’hui un vrai cadre Urago à cette finition car il existe des cadres vendus par Urago à l’époque mais qui n’étaient pas construits sur place. Méfiez-vous des imitations …

Un autre signe de la passion du beau vélo chez Urago se retrouvait sur la couleur des cadres.

Le fameux rouge Urago était appliqué en plusieurs couches sur une sous couche dorée ce qui lui donnait son brillant un peu pailleté inimitable. Urago s’approvisionnait pour la peinture chez un détaillant basé à Saint Etienne, alors capitale du cycle. (Merci à Raoul Brundu de nous avoir précisé ce détail).

Pendant la dernière guerre, Urago avait fabriqué quelques triplettes qui servaient de taxi collectif en ces temps difficiles …

Peut-être que quelques anciens les ont croisées place Masséna ou Garibaldi.

Le style cycliste des années soixante et le matériel

Eddy Merkx disait qu’à ses débuts son vélo, il le montait dans sa chambre. L’histoire ne dit pas ce que Madame en pensait.

En 1960 un gonfleur était fixé sur le tube diagonal du vélo pour assurer un dépannage plus rapide en cas de crevaison du boyau. .Ce système s’est miniaturisé aujourd’hui il est bien caché dans la sacoche sous la selle ou dans la poche du maillot.

Sur les étriers de freins figurait un petit « arrache clou » qui permettait d’évacuer, en principe, tout objet tranchant comme les silex par exemple. Il faut bien avouer qu’il n’était d’aucune utilité.

Le fin du fin consistait à posséder des raccords ou une fourche avec les embouts chromés, ce qui donnait un style particulier à l’engin. La guidoline était omniprésente sur le guidon bien sûr mais aussi sur le porte bidon, les poignées de frein et les courroies en cuir des cales pieds.

La fameuse selle Brooks, grand classique en matière de confort, équipait les beaux vélos et garantissait une bonne assise. Les cyclistes qui changeaient de monture ne se séparaient pas de leur selle longuement formée et travaillée à leur anatomie. Cet objet culte faisait l’objet de soins attentifs par des massages réguliers à l’huile de pied de bœuf ou autre matière grasse.

Les fourches très cintrées et les moyeux à grandes flasques ajourées (Campagnolo) étaient particulièrement esthétiques.

Les bouchons de guidon n’existaient pas encore aussi des bouchons de liège étaient utilisés pour obturer les embouts afin d’éviter les blessures en cas de chute.

L’apparition du dérailleur Simplex fut un grand progrès. Plus rapide que les systèmes précédents. Le changement de vitesses était placé sur le tube diagonal alors qu’auparavant il se trouvait sur le tube de selle pour les plateaux.

Le poids des vélos de l’époque ferait frémir les pratiquants d’aujourd’hui. Louison Bobet devait gagner ses tours de France sur des vélos qui dépassaient les 10 kilos ! (10,8 Kg en 1955).
Vivement l’arrivée du carbone …

Les coureurs professionnels de l’époque faisaient, comme Jacques Anquetil, confiance au matériel Français. Freins Mafac, pédalier Stroghlight, dérailleurs Simplex … et le porte bidon était fixé au guidon. La roue libre était limitée à 5 vitesses pas plus.

Les grandes marques de l’époque étaient représentées par Bianchi, Helyett, Peugeot Lejeune mais aucune n’arrivait à la qualité des vélos Urago que certains professionnels faisaient fabriquer sur mesure à Nice chez Urago en toute discrétion pour ne pas fâcher le constructeur qui les équipaient.

Du point de vue vestimentaire pas beaucoup de choix.

Le cuissard en laine, toujours noir, avec le fond en peau de chamois et la maillot de laine qui une fois trempé pesait 3 kilos.

L’hiver pantalon knicker et chaussettes Jacquard, comble de l’élégance cycliste, feraient sourire aujourd’hui.

Une habitude aussi consistait à porter un short, en été, de préférence de couleur beige, par dessus le cuissard lors des entrainements. Je n’ai jamais compris l’utilité de cette mode vestimentaire et aujourd’hui encore je m’interroge. Si quelqu’un peut m’apporter une réponse.

Les coursiers montaient en hiver un pignon fixe pour « acquérir un beau coup de pédale » et fixaient sur leur vélo les garde boues Brumels. C’était du plus grand chic. Il ne fallait pas oublier la pompe Silca Impéro fixée au tube vertical du cadre par un raccord Campagnolo et le boyau sous la selle soigneusement plié et entouré dans du papier journal ou plus élégant du papier kraft .On reconnaissait les cyclistes expérimentés à la façon de soigneusement plier leur boyau de rechange. Tout un art …

Redonner vie à un vélo Urago

Pour rendre hommage à la célèbre Maison Niçoise, et pour le centenaire du Club, nous avons essayé de remettre dans son jus un vieux vélo Urago ayant appartenu à Marc Blanc (merci Marc).

La restauration de ce modèle de 1959 fera « tousser » quelques puristes sur le parfait respect de l’authenticité mais il n’a pas été possible de retrouver 100% des pièces d’origine.

Voici pour les spécialistes ses caractéristiques :

  • Cadre Urago Reynolds 5/10
  • Peinture rouge Urago sur sous-couche dorée
  • Étiquettes Urago trouvées sur un site internet en Australie
  • Potence Pivo
  • Guidon Philippe
  • Guidoline Tressostar
  • Selle Brooks
  • Freins Mafac Racer tirage central
  • Dérailleur Simplex
  • Passage du câble de dérailleur par poulie sur boite pédalier
  • Pédalier Sronglight ajouré
  • Chaîne Brampton
  • Roue libre Atom
  • Jantes Mavic
  • Rayons 3 étoiles
  • Boyaux (non d’origine)
  • Cales pieds Christophe, courroies Lapize
  • Pédales Campagnolo
  • Le poids approximatif est de 10 kilos

    Remerciements

    A Marc Blanc, bien sûr, sans qui cette aventure n’aurait pas existé, Raoul et Monique Brundu, Didier Bovas, Gilbert Allo, Didier Allemany pour ses précieux conseils de restauration du vélo, Maurice Frasconi, Roger Ache pour la fournitures de pièces rares, et toutes celles et ceux qui de près ou de loin ont travaillé à la longue, très longue, restauration de ce vélo.

    Yves ROSOLIN